Eclipse totale de Soleil du 3 novembre 2013
en jet privé depuis les Bermudes
Le point central de cette éclipse (phase de totalité pendant 1 min 40 sec) se trouve dans le Golfe de Guinée dans l’Océan Atlantique. La météo à cette période de l’année n’est pas très favorable dans les différentes régions traversées par cette éclipse, mais il y a quand même quelques possibilités terrestres intéressantes, particulièrement vers la fin de la bande de totalité où les grains de Baily seront très prononcés (voir les simulations) et la durée de totalité inférieure à vingt secondes. Pour observer cette courte éclipse totale de Soleil, j’ai participé au vol spécial éclipse depuis les Bermudes en tant que navigateur expert et nous avons été gratifié par une spectaculaire éclipse totale de Soleil de zéro seconde depuis la limite de la stratosphère.
Cette éclipse hybride commence par être annulaire et devient ensuite totale très rapidement lorsque l’on utilise la classification usuelle basée sur un profil de la Lune qui est lisse. Toutefois en tenant compte du profil réel de la Lune on se rend compte que la classification est différente, à tel point que cette éclipse ne peut être observée comme annulaire à aucun moment, même pas brièvement. Au final la plus grande partie de la ligne centrale verra une éclipse totale, mais qui ne sera vraiment totale qu’à partir de 11:06:45 UTC environ. Avant cela aucune éclipse totale ou annulaire n’est possible car le cône d’ombre n’atteint pas la surface terrestre.
Cette éclipse hybride, ou encore mixte, débute comme une annulaire perlée au commencement de son tracé, puis devient très rapidement, une bonne minute plus tard, au sud-est des Bermudes une éclipse totale de Soleil. Au point de transition où ce type d’éclipse passe d’annulaire à totale, le sommet du cône d’ombre étiré effleure la surface terrestre durant un bref instant. Il serait intéressant de se positionner en ce lieu, toutefois l’interception de l’ombre à cet endroit est quasiment impossible puisque l’ombre se déplace alors à des vitesses supérieures à 50.000 km/h à cet instant (11:05:20 UTC en bas de page).
Cependant ce vol spécial pour l’éclipse représentera un accomplissement indéniable car l’interception de l’ombre en déplacement à de telles vitesses n’a jamais été réalisé auparavant. Cette vitesse sera supérieure à 13.500 km/h et dépendra du lieu d’interception choisi. Le spectacle, offert aux quelques chasseurs d’éclipses intrépides qui ont embarqué à bord de ce jet privé, fut saisissant avec un splendide arc chromosphérique circulaire et des grains de Baily dansant pendant quelques secondes sur le pourtour lunaire. La prochaine opportunité pour refaire un vol éclipse similaire sera le 14 novembre 2031, c’est-à-dire la prochaine éclipse du saros 143 mais ce coup-ci au-dessus de l’Océan Pacifique soit depuis Hawaï au début de la bande ou alors à la fin depuis le Costa Rica. Celle du 20 avril 2023 sera parfaitement observable depuis l’Australie et se rendre aux extrémités de la bande sera coûteux du fait de l’éloignement.
Mon application Solar Eclipse Maestro a été utilisé en vol pour ajuster en temps réel les paramètres du vol afin de garantir que le Falcon 900B atteigne sa cible de grande vélocité. A cet égard, une simulation en conditions réelles, c’est-à-dire en vol, a été réalisée fin septembre lors d’un vol entre Madrid (Espagne) et Ténérife (Îles Canaries) pour contrôler les capacités du logiciel et vérifier le verrouillage de position sur douze satellites GPS depuis l’intérieur de la cabine. Les déviations en distance, cap et altitude par rapport à la trajectoire d’interception planifiée sont constamment mises à jour afin de pouvoir effectuer des ajustements chaque seconde si nécessaire. Cependant un panne de disque dur 24 heures avan le vol éclipse m’a empêché d’utiliser cette version spéciale, rendant la navigation de ce vol encore plus périlleuse et difficile!
L’animation ci-dessous montre l’exécution du vol, en vert, par rapport à la trajectoire optimale, en bleu marine. Durant le vol des ajustements au niveau de notre trajectoire d’interception prévue ont dû être réalisés, principalement à cause des conditions météorologiques très difficiles dans la zone (cumulonimbus très élevés et forts vents changeants), et il est évident que deux minutes avant notre position à mi-interception nous étions très proche d’une exécution idéale. Cependant, même si j’ai demandé à accélérer à ce moment là, cela ne s’est pas réellement matérialisé avec suffisamment d’importance et notre trajectoire a en plus dévié vers l’ouest très probablement à cause des forts vents de face et de travers (35 à 50 nœuds, 60 à 100 km/h) provenant du sud-sud-est. Tout cela s’est traduit par une exécution imparfaite de l’interception puisque l’avion est arrivé un peu trop tard, après avoir toujours été en avance auparavant. Cependant ce vol fantastique a représenté un accomplissement et démontré la précision des calculs pour l’éclipse. Solar Eclipse Maestro peut effectivement être utilisé pour guider un avion vers sa destination. Rendez-vous probablement le 20 mars 2015 au-dessus de l’océan Atlantique nord pour un vol bien plus simple à exécuter et près de trois minutes et cinquante secondes de totalité.
Falconer - Numéro 44 / 2014
(pages 26 à 29 pour le vol éclipse)
Simulation du vol d’observation de l’éclipse au-dessus de l’Océan Atlantique. Trajectoire nominale en bleu marine, réelle en vert.
[nécessite un codec H.264/MPEG-4: les utilisateurs de Windows peuvent installer le Windows Essentials Codec Pack]
Durant le vol nous avons parcouru 1.238 miles nautiques (2.292 kilomètres) en un peu moins de trois heures. Pendant notre trajectoire vers la totalité nous avons dû accroitre notre altitude de vol jusqu’à 44.500 pieds (13.560 m).
Au vu de toutes les difficultés rencontrées lors de ce vol éclipse, comme la panne du disque dur de mon ordinateur portable survenue 24 heures avant le vol avec comme conséquence l’impossibilité d’utiliser le module E-Flight de mon logiciel Solar Eclipse Maestro, on pourrait croire à la malédiction du triangle des Bermudes…
Trajectoire depuis les Bermudes du Dassault Falcon 900B utilisé pour intercepter le cône d’ombre se déplaçant 13.500 km/h
Profil d’altitude de la trajectoire vers la totalité avec le Dassault Falcon 900B utilisé pour intercepter le cône d’ombre se déplaçant 13.500 km/h
Les conditions météorologiques n’étaient pas très encourageantes pour effectuer une interception si difficile. D’ailleurs il a été nécessaire de modifier durant le vol notre plan de vol originel à 43.000 pieds afin de monter à 44.500 pieds (13.560 m) pour être juste au-dessus du sommet des nuages à 44.000 pieds (13.400 m). Tout cela a été possible grâce aux capacités opérationnelles du Falcon 900B, mais aussi parce que l’espace aérien nous était réservé de 35.000 à 45.000 pieds dans un rayon de 200 miles nautiques. Pendant le vol la température extérieure est descendue à -64°C (-83°F).
Prévision des conditions météorologiques significatives en haute altitude
pour l’Atlantique Ouest à 06:00 UTC
Prévision à 30 heures des vent, température et cisaillement à FL450
pour l’Atlantique Ouest à 12:00 UTC
Image du satellite GOES-13 prise à 11h15 UTC et trajectoire simplifiée du vol éclipse en surimpression
Au final avec les conditions météorologiques difficiles et la panne de disque dur, la réalisation fut malheureusement très loin d’être parfaite, mais reste malgré tout un immense succès même si l’on a observé qu’une éclipse totale pendant zéro seconde. Voir depuis le poste de pilotage le cône d’ombre arriver depuis l’espace en direction de la surface terrestre en traversant le sommet des nuages était impressionnant! Déterminer la forme exacte de l’ombre faisait aussi partie des objectifs: il semble bien que celle-ci ne soit pas ellipsoïdale confirmant par là même les calculs.
Sur l’image ci-dessous on s’aperçoit qu’à une seconde près on aurait déjà eu une éclipse totale de Soleil de plus de deux secondes. Voilà à quoi tient un succès total.
Simulation avec une seconde d’avance sur la réalisation
Voilà ce qui arrive quand un groupe de chasseurs d’éclipse prend possession d’un jet privé! Le jour précédent le vol éclipse, nous avons décidé que nous voulions enlever les sièges et la table du coté de l’avion faisant face à l’éclipse; c’est pourquoi nous avons dû nous entraîner pour pouvoir le faire assez rapidement en vol après le décollage et avant l’atterrissage.
Une caméra GoPro avait été installée derrière le feu anti-collision rouge sous l’avion afin de filmer le passage de l’ombre et pouvoir déterminer sa forme exacte. Malheureusement l’activation à distance et en vol n’a pas fonctionné.
De même, une des GoPro à l’avant du cockpit, celle faisant face au Soleil éclipsé, s’est déclenchée trop tard!
Suppression des sièges et d’une table à l’avant de la cabine
Un peu de travail à l’arrière de la cabine (merci Art)
Milieu de la cabine du Falcon 900B
Emplacement de la caméra GoPro derrière
le feu anti-collision rouge sous l’avion
Simulation des grains de Baily lors du vol d’observation de l’éclipse au-dessus de l’Océan Atlantique. La similitude avec les observations est quasiment parfaite.
[nécessite un codec H.264/MPEG-4: les utilisateurs de Windows peuvent installer le Windows Essentials Codec Pack]
Analyse du spèctre flash (Robert Minor et Jim Ferreira)
L’horizon visible est situé à environ 80 kilomètres —couche nuageuse à environ 13.000 m (42,700 ft)— et l’ombre met environ 25 secondes pour atteindre l’avion à une vitesse moyenne de 15.000 km/h.
Arrivée de l’ombre à plus de 13.500 km/h - Dassault Falcon 900B à 13.560 m (44,500 ft) au-dessus de l’Océan Atlantique par Stephan Heinsius
(au timecode 1:32 vous pouvez apercevoir très nettement l’assombrissement du sommet des nuages et du ciel dus à l’arrivée du cône d’ombre - caméra GoPro)
Photo du groupe de 12 chasseurs d’éclipse (Ben Cooper)
De gauche à droite (présents sur le vol): Ben Cooper (Etat-Unis), Don Hladiuk (Canada), Dirk Ewers (Allemagne), Liz O’Mara (Etat-Unis), Tony Crocker (Etat-Unis), Robert Minor (Etat-Unis), Daniel Lynch (Irlande), Leo Metcalfe (Irlande), Hildegard Werth (journaliste, Allemagne), Martin Amick (pilote, Etat-Unis), Xavier Jubier (navigation, France), Hans-Williams Randriamanatena (pilote, France), Stephan Heinsius (Allemagne), Arturo Garcia (responsable maintenance, Bermudes)
Absent sur la photo: Ludger Nüschen (cameraman, Allemagne)
Quelques reportages sur le vol éclipse sont disponibles sur les sites de la chaine de télévision allemande ZDF et Ber News celle des Bermudes.
Caméra GoPro filmant la fenêtre principale avant du poste de pilotage, là où l’éclipse et l’ombre ont été visibles.
Malheureusement l’enregistrement a démarré trop tard…
[nécessite un codec H.264/MPEG-4: les utilisateurs de Windows peuvent installer le Windows Essentials Codec Pack]
Vitesse de l’ombre de la Lune dans une fenêtre de 5 minutes où a eu lieu l’interception
La simulation ci-dessous, avec le module E-Flight et un GPS connecté, a été réalisée en septembre 2013 pendant un vol commercial régulier entre Madrid et Ténérife (Îles Canaries). La position courante de l’avion est matérialisée par la petite croix au nord-est des îles Canaries. La vitesse vraie (442,9 nœuds) et le cap (215,1 degrés) de l’avion sont visibles et calculés en temps réel, de même que la déviation par rapport à la trajectoire de totalité de l’éclipse totale de Soleil de 1973 qui a été prise pour référence.
Simulation exécutée en vol avec Solar Eclipse Maestro et un verrouillage de position sur douze satellites GPS (module privé E-Flight)
Simulation juste avant le point de transition annulaire-totale où la vitesse du sommet du cône d’ombre dépasse 50.000 km/h.
L’utilisation de cette simulation sans autorisation écrite préalable est strictement interdite. Toute utilisation commerciale sera soumise à une compensation financière pour chaque vol effectué.
[nécessite un codec H.264/MPEG-4: les utilisateurs de Windows peuvent installer le Windows Essentials Codec Pack]
English
 sont prévus à l’endroit de l’interception de l’ombre!', 'fr', 1);)
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Livre d’Or
