Eclipse annulaire de Soleil du 21 juin 2020
depuis l’Arabie Saoudite, Oman, l’Inde ou le Tibet (Chine)
Pour observer l’éclipse annulaire de Soleil du 21 juin 2020, je me rendrais probablement à Oman qui sera le meilleur choix à la fois pour la météo et aussi la beauté du pays ou alors sur le plateau tibétain où la haute altitude fera que les températures seront plus agréables mais aussi que la grandeur de l’éclipse sera très légèrement accrue. La tentation d’essayer d’observer une annulaire plus profonde et presque perlée, sans toutefois approcher celle de 1966 en Grèce, depuis le sommet du pic Hardeol (Temple de Dieu) à 7.151 mètres est très grande, mais les chances de succès sont vraiment trop faibles du fait de la très haute altitude, de l’ascension technique, de l’éloignement et des conditions météorologiques potentiellement instables juste avant la mousson. Au final le Tibet pourrait être un très bon compromis en permettant aux chasseurs d’éclipses d’éviter les fortes chaleurs ainsi que les particules en suspension, en gardant à l’esprit que le sommet du cône d’ombre se trouve à environ 2.300 kilomètres plus haut et est par conséquent inaccessible. Au final les observateurs en Inde et au Tibet, là où la largeur de la bande d’annularité est la plus étroite, peuvent quasiment s’attendre à avoir une vue similaire à celle de l’annulaire de 1984 le long de la côte est des États-Unis d’Amérique. Les observateurs situés plus en amont ou aval le long du tracé auront une grandeur légèrement plus faible et par conséquent un anneau marginalement plus épais. L’apparence visuelle, à travers des filtres solaires sauf aux lever ou coucher du Soleil, sera similaire à celle de l’annulaire de février 1999. Mise à jour Covid-19: à cause de la pandémie du nouveau coronavirus nous n’avons pas pu voyager à l’étranger et avons dû annuler tous nos plans. Au final seuls les résidents des pays traversés par la bande d’annularité ont eu la chance d’observer le fin anneau. Vraiment malheureux de ne pas avoir pu voyager pour cette éclipse unique! Mon expérience personnelle fût encore pire car j’étais déjà en voyage en Argentine pendant le confinenement de la mi-mars et ai dû m’exfiltrer pour au final me retrouver au chômage partiel en France et deux jours avant l’annulaire licencié comme 15% des salariés du siège dans un plan social malgré mes 22 ans d’ancienneté (comme chacun peut l’imaginer la direction de la société a saisi l’opportunité quand bien même il n’y avait aucune raison de réagir si brusquement et sans aucune concertation préalable alors que l’état couvrait déjà nos salaires et qu’un accord de chômage de longue durée était tout à fait envisageable afin de réellement préserver l’emploi si c’était ce qui était véritablement souhaité; pour ceux intéressés la lecture de ce cours article de blog est instructive)!
Comme nous n’avons pas pu voyager à l’étranger nous devons utiliser des photographies prises par des astronomes amateurs au Pakistan et en Inde où le ciel était clair mais la température très élevée avec plus de 40°C. Merci à leur dévouement sans lequel rien n’aurait été possible.
Etudions d’abord les photos prises par Talha Zia depuis Sukkur au Pakistan.
Circonstances de l’éclipse annulaire depuis Sukkur au Pakistan
Talha a utilisé un Canon EOS 1200D/Rebel T5/Kiss X70 couplé à un télescope Celestron 102GT (102mm/1000mm), sans aucun filtre solaire, sur une monture alt-azimutale et avec les réglages d’exposition suivants ISO 100, f/10 à 1/4000s suivant nos préconisations. Ce type de montage permet d’imager les grains de Baily ainsi que la chromosphère et même les protubérances, attention toutefois car il faut être très prudent pour ne pas endommager son équipement et/ou détériorer sa vision. Sur la photo ci-dessous prise à mi-éclipse on voit que l’anneau est encore trop lumineux pour pouvoir distinger des grains à l’œil nu; il est intéressant de la comparer à une photo de l’annulaire encore plus profonde de 1984.
Mi-éclipse photographiée par Talha Zia depuis Sukkur au Pakistan et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Finesse de l’anneau et degré d’obscuration en deux lieux pour 2020 et exemple avec celle de 1984
Maintenant nous pouvons comparer les grains de Baily avec les simulations pour déterminer le rayon photosphérique vrai en corrélant le minutage et la forme des grains.
Grains de Baily environ 8 secondes avant le second contact par Talha Zia depuis Sukkur au Pakistan et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Grains de Baily environ 7 secondes avant le second contact par Talha Zia depuis Sukkur au Pakistan et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Grains de Baily environ 6 secondes avant le second contact par Talha Zia depuis Sukkur au Pakistan et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
La même photo mais fondue avec la simulation.
Grains de Baily environ 6 secondes avant le second contact par Talha Zia depuis Sukkur au Pakistan fondus avec simulation de Solar Eclipse Maestro
Malheureusement nous n’avons aucune photo aux second et troisième contacts. Et après le troisième contact les grains les plus intéressants ont été manqué car la série de photos a malheureusement débuté quelques secondes trop tard.
Grains de Baily environ 4 secondes après le troisième contact par Talha Zia depuis Sukkur au Pakistan et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Grains de Baily environ 7 secondes après le troisième contact par Talha Zia depuis Sukkur au Pakistan et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Grains de Baily environ 17 secondes après le troisième contact par Talha Zia depuis Sukkur au Pakistan et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Voilà maintenant des photos prises par Ajay Talwar depuis Sirsa en Inde.
Circonstances de l’éclipse annulaire depuis Sirsa en Inde
Ajay a utilisé un Canon EOS 5D Mark III couplé à un objectif Canon EF 100-400mm f/4.5-5.6L IS USM à 400mm, sans aucun filtre solaire, sur une monture équatoriale et avec les réglages d’exposition suivants ISO 100, f/11 à 1/1000s; en réalité des séries de fourchettes de 8 expositions cadencées uniformément toutes les secondes avec des vitesses d’obturateur comprises entre 1/1000s et 1/8s ont été prises toutes les 8 secondes mais nous n’avons gardé que les expositions les plus courtes car les autres étaient trop surexposées. Attention: ne pas utiliser de filtre solaire est dangereux et nécessite d’être prudent. Maintenant nous pouvons comparer les grains de Baily avec les simulations pour déterminer le rayon photosphérique vrai en corrélant le minutage et la forme des grains.
Grains de Baily environ 12 secondes avant le second contact par Ajay Talwar depuis Sirsa en Inde et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Grains de Baily environ 4 secondes avant le second contact par Ajay Talwar depuis Sirsa en Inde et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Grains de Baily environ 8 secondes après le troisième contact par Ajay Talwar depuis Sirsa en Inde et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Grains de Baily environ 16 secondes après le troisième contact par Ajay Talwar depuis Sirsa en Inde et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Le 5 juillet, une demi-lunaison après l’éclipse du solstice du Covid-19, Ajay proposait un séminaire en ligne intitulé «Solstice Eclipse - Recollections from Sirsa». Lors de ce séminaire, en se basant sur sa vidéo en gros plan des grains de Baily photographiés avec un filtre solaire, il indique que l’éclipse n’a jamais été annulaire depuis le Ganga Greens dans la banlieue de Sirsa, mais cette affirmation est fausse. Premièrement et d’une manière similaire à un Passage de Vénus il vous faut faire avec le phénomène de la goutte noire (diffraction des instruments optiques) qui créé une sorte de goutte en forme de larme lorsque les montagnes lunaires approchent du bord du Soleil. Deuxièmement avec la résolution des instruments utilisés il n’est pas possible de distinguer de tels détails, et troisièmement l’utilisation d’un filtre solaire supprime des données importantes du limbe solaire (ce problème existe d’ailleurs aussi avec le minutage des instants de contact lors d’une éclipse totale de Soleil). Le résultat est qu’une telle affirmation n’est pas pertinente, d’autant plus que les images en lumière visible nous prouvent le contraire avec un anneau brillant ininterrompu et sans variations majeures d’intensité indiquant que des montagnes lunaires bloquent la photosphère solaire à tout instant en au moins un endroit donné sur le limbe solaire. Je vais rajouter un argument supplémentaire, si l’éclipse n’était jamais devenue annulaire alors cela signifierait que le rayon photosphérique vrai est plus petit que la valeur officielle de l’UAI, or nous savons tous que ce rayon est vraisemblablement plus grand et c’est d’ailleurs exactement ce qu’indiquent les photographies prises sans filtre solaire… Vous pouvez voir que la video est retournée par rapport à la bonne orientation, et que d’après le lieu au nord de la ligne de centralité où se trouvait Ajay nous pouvons en déduire que le haut pointe plus ou moins vers le sud solaire.
Voilà la simulation à basse résolution. Vous pouvez croire que l’éclipse ne devient jamais annulaire, mais elle le devient comme une simulation à plus haute résolution le montre, il vous faut juste utiliser Solar Eclipse Maestro. Si vous ne me croyez toujours pas je fourni aussi une seule image à mi-éclipse et à plus haute résolution afin d’illustrer mon point.
Et à une résolution encore supérieure qui ne laisse plus de place aux doutes… Vous pouvez naviguer le long du profil du limbe lunaire (les indicateurs d’angle en bleu foncé ci-dessus correspondent à ceux du profil linéaire ci-dessous) et le voir par vous-même.
Manish Sharma, qui était au même endroit que Ajay Talwar, a utilisé un Nikon D500 couplé à un objectif Sigma 150-600mm f/5-6.3 DG OS HSM Comtemporary à 700mm effectifs (le D500 n’est pas un boîtier plein-format donc il faut tenir compte du facteur multiplicateur de 1,52 fois), sans aucun filtre solaire, sur un trépied sans suivi. Les réglages d’exposition suivants ont été utilisé: ISO 125, f/40 avec des temps d’exposition généralement plus courts que le 1/1000ème de seconde. Pour faire suite à l’affirmation de Ajay comme quoi l’éclipse ne fût jamais annulaire en leur lieu, voici une nouvelle preuve du contraire avec les photos non filtrées de Manish. Tout d’abord vous avez une photo juste avant le second contact, ensuite une moins de trois secondes plus tard puis une dernière autour de la mi-éclipse, toutes associées avec leurs simulations respectives. Le constat est sans appel, l’éclipse fût bien annulaire en ce lieu pendant plus d’une dizaine de secondes. Sur la première photo on voit très bien l’interruption de la photoshère causée par la dernière montagne visible sur la simulation haute résolution et on constate que les simulations sont absolument identiques aux photographies.
Photosphère au second contact par Manish Sharma depuis Sirsa en Inde et simulations de Solar Eclipse Maestro dessous
Voyons maintenant les photos des grains de Baily prises par Manish.
Grains de Baily environ 9 secondes avant le second contact par Manish Sharma depuis Sirsa en Inde et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Grains de Baily environ 4 secondes avant le second contact par Manish Sharma depuis Sirsa en Inde et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Grains de Baily environ 7 secondes après le troisième contact par Manish Sharma depuis Sirsa en Inde et simulation de Solar Eclipse Maestro sur la droite
Terminons par une dernière photographie remarquable avec des grains de Baily après le troisième contact, de la chromosphère mais aussi la montagne lunaire déterminant le troisième contact qui interrompt un arc chromosphérique. C’est la première fois que je vois cela en sachant que l’épaisseur de la chromosphère est d’environ 2.000 kilomètres, absolument incroyable et probablement une première en photo!
Grains de Baily et chromosphère environ 9 secondes après le troisième contact par Manish Sharma depuis Sirsa en Inde et simulations de Solar Eclipse Maestro
Nous constatons une nouvelle fois une corresppndance quasiment parfaite en utilisant un rayon photosphérique vrai substantiellement plus grand que le rayon de 959,63" à 1ua communément utilisé par l’UAI. En prenant le rayon défini par l’UAI il n’est pas possible d’obtenir cette correspondance avec les grains de Baily et le minutage ne correspond pas non plus.
Lors des prochaines annulaires suffisamment profondes il serait bien que de nombreux amateurs les photographient sans filtre solaire lorsque les grains de Baily sont visibles, c’est à dire entre 10 secondes avant le second contact et 10 secondes après le troisième contact. Bien entendu pour ceux qui observent depuis les bords de la bande d’annularité la durée des grains de Baily sera plus importante. Lors de la phase annulaire il est préférable et conseillé d’utiliser un filtre solaire, à la fois pour protéger son équipement mais aussi pour obtenir des photos correctement exposées et exploitables. Une grandeur de 0,99 ou plus est préférable pour obtenir de meilleurs résultats mais les prochaines opportunités étant plutôt rares, notamment depuis la terre ferme (la prochaine est en mars 2035 depuis la Nouvelle Zélande ou la Tasmanie), il est donc conseillé de se rabattre sur une grandeur supérieure à 0,95 même si ce n’est pas aussi favorable. L’annulaire d’octobre 2023 est une bonne opportunité de mettre en pratique, sinon après nous avons celle de mai 2031. Au niveau des paramètres d’exposition voilà ce qui est régulièrement conseillé: ISO 100, f/10, 1/4000s. Même si tout cela peut aussi être accompli lors d’annulaires de grandeur plus faible ce n’est pas commode et cela impose d’aller aux bords de la bande d’annularité.