Eclipse annulaire de Soleil du 26 décembre 2019
 depuis l’Arabie Saoudite

Les astronomes saoudiens, la population locale, ainsi que les média, se sont retrouvés dans la banlieue de Al-Hofuf pour l’annulaire autour d’un campement au lieu-dit des «Quatre Montagnes». Il étaient plus de 2.000 personnes.
Toutefois la dernière annulaire en Arabie Saoudite n’était pas en 1901 mais en 1922 contrairement à ce qui est indiqué sur l’affiche. Et l’annulaire suivante sera dès l’année prochaine, c’est à dire 2020, mais dans une région inhabitée de l’Arabie Saoudite et probablement avec des températures élevées. La prochaine éclipse totale de Soleil sera celle du 2 août 2027 suivie de près par celle du 20 mars 2034, tandis que la dernière était le 25 février 1952.

Quant à moi l’objectif était d’observer l’annulaire au lever du Soleil depuis le Pouce du Diable près de Judah en Arabie Saoudite. La raison principale était que, grâce à la réfraction atmosphérique, la phase annulaire se produirait avec le Soleil à environ un degré d’altitude ce qui signifiait que tout l’événement pouvait être continuellement observé à l’œil nu et photographié sans aucun filtre solaire. Et c’est bien ce qui s’est passé comme vous pourrez le voir ci-dessous.
Voyons tout d’abord les circonstances de l’éclipse déterminées à l’aide de mes outils.

Observer l’annularité au lever du Soleil n’est pas facile parce-qu’il faut impérativement avoir un ciel bien dégagé jusqu’à l’horizon! Malheureusement la brume et le sable en suspension sont fréquents dans la région, et le matin de l’éclipse, contrairement aux deux jours précédents, tout en ayant un ciel parfaitement dégagé il y avait un fort vent provenant du sud-est et soulevant les poussières du désert. Durant l’heure et demi de conduite de nuit nécessaire pour atteindre le lieu d’observation les rafales du vent étaient perceptibles. Cependant l’imagerie satellite à 0h30 UTC (3h30 locale) avant de quitter l’hôtel était encourageante même si pas aussi bonne que les jours précédents. On peut déjà s’apercevoir que la vue depuis le Qatar ou la côte omanaise serait encombrée de quelques nuages durant l’éclipse, ce qui s’est révélé exact par la suite.

Et maintenant les prévisions plus précises avec mon logiciel Solar Eclipse Maestro. Veuillez noter que j’utilise un rayon solaire photosphérique vrai de 959,98" à 1UA et non le classique 959,63" de l’UAI car cette dernière valeur, bien qu’officielle, est trop faible comme je l’ai déjà démontré au cours des dernières années.

Durant les jours précédents l’éclipse il était important d’effectuer les reconnaissances nécessaires afin de valider le lieu d’observation. Se rendre au Pouce du Diable n’est pas si simple car il faut emprunter une piste qui n’est indiquée nulle part et il faut de plus le faire de nuit, en sachant que la dernière partie se fait à travers le désert avec quelques portions sabloneuses. Enfin vous devez chronométrer proprement le temps de conduite afin de partir sufisamment tôt de l’hôtel. Bref une période de Noël studieuse!

Les choses se précisent le 25 décembre avec un beau lever du Soleil et un rayon vert. C’est encore une longue journée de Noël car de retour à Al-Hofuf, après trois bonnes heures de route aller-retour et un réveil très matinal, il y a une conférence d’une demi-journée sur les éclipses de Soleil à l’Université King Faisal, où j’étais cordialement convié à effectuer une présentation en anglais, mon arabe étant trop rudimentaire ;-). Au moins j’ai pu m’apercevoir que les saoudiens utilisent mes cartes d’éclipses :D. Une autre chose amusante est de voir que les femmes et les hommes sont toujours dans deux parties séparées de la salle de conférence, la paroi de séparation étant opaque et faisant environ deux mètres de haut.

Plus tard dans l’après-midi nous avons inauguré dans le musée d’Al-Ahsa une exposition de trois mois sur les éclipses solaires.

Après une très longue journée de Noël, il était temps de s’éclipser afin de pouvoir dormir un peu avant un nouveau réveil extrêmement matinal et une conduite de nuit! Lever vers 3h et départ avant 4h.

La monture azimutale n’a pas fonctionné normalement suite à un souci avec le porte-piles 10xAA qui a cassé dès le début, et impossible de trouver une solution dans la pénombre et la précipitation! Du plastique chinois de mauvaise qualité… et une conception discutable. Maintenant le remplacement du porte-piles par une unique batterie rechargeable est probablement la meilleure solution même si le transport en avion de ce type de batterie rechargeable devient de plus en plus difficile et contraignant.

Le ciel est clair mais la brume matinale conséquente avec en plus un bon vent de face qui soulève des poussières filtrant encore un peu plus les rayons solaires; par contre cela est très confortable visuellement et il n’y a aucun problème pour fixer le Soleil en continu et observer le merveilleux spectacle. Je précise que toutes les photos sont brutes et sans aucun traitement ou ajustement.

Six secondes avant le second contact la chromosphère rougeâtre était clairement visible à l’œil nu, une fantastique expérience et très probablement une première mondiale durant une annulaire.

Quelques grains de Baily avec de la chromosphère rougeâtre entremêlée deux secondes avant le second contact. Encore une fois la simulation réalisée avec Solar Eclipse Maestro correspond parfaitement avec la réalité, ce qui indique une nouvelle fois un rayon solaire photosphérique vrai plus important que la valeur communément utilisée.

Et voilà nous avons l’annularité et le tout sans aucun filtre solaire ou lunette éclipse.

Le spectacle se termine avec de nouveau des grains de Baily au troisième contact et la luminosité qui s’accroit sensiblement.

Maintenant l’utilisation d’un filtre solaire est requise.

Cette éclipse annulaire restera un souvenir inoubliable. Au lieu-dit des Quatre Montagnes dans la banlieue sud d’Al-Hofuf, environ 2.000 personnes étaient réunies pour l’éclipse annulaire. C’était le lieu choisit par les autorités saoudiennes mais aussi les astronomes, là où tous les média se trouvaient. Ma présence étant cordialement requise, j’ai donc dû faire preuve de beaucoup de diplomatie pour éviter ce cirque d’autant que je me doutais que j’allais être interviewé pour la télévision et/ou les journaux! J’ai gentiment laissé cet honneur à une de mes connaissances :D.

Cette éclipse annulaire a aussi vu une assez grande affluence au niveau de mes cartes interactives.

Maintenant un petit bonus. Une des nombreuses attractions en Arabie Saoudite se trouve à Al-Ula dans le nord-est du pays, là où la civilisation nabatéenne s’est épanouie au néolithique. Ce que j’ai pu voir rivalise sans aucun problème avec Pétra en Jordanie et il y a actuellement une belle exposition du 9 octobre 2019 au 19 janvier 20208 mars 2020 à Paris à l’Institut du Monde Arabe, tous les guides saoudiens m’en ont d’ailleurs parlé et étaient très fiers d’avoir pu s’y rendre. J’ai eu le privilège de visiter Madâin Sâlih en tant que VIP avec chauffeur et guide en étant le seul sur le site, un vrai plaisir quand on voit les hordes de touristes à Pétra.

Les guides, généralement des femmes très compétentes, portent plusieurs badges qui montrent bien que le projet Vision 2030 est véritablement au cœur des profonds changements en cours en Arabie Saoudite.

La pollution lumineuse en Arabie Saoudite est assez importante, espérons que les saoudiens apprendront à la limiter dans les lieux les plus intéressants!