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Eclipse totale de Soleil du 9 juillet 1945
depuis le nord-ouest des États-Unis, le centre du Canada
ou la Suède
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Un exeligmos (trois éclipses dans un saros ou encore un peu plus de 54 ans) avant l’éclipse totale de Soleil du 11 août 1999, celle du 9 juillet 1945 ne sembla pas attirer beaucoup l’attention des astronomes américains jusqu’à un ou deux mois avant son déroulement. Cela était principalement dû à différents facteurs comme la guerre en Europe, la relative inaccessibilité de la bande de totalité, la comparativement courte totalité et la faible hauteur du Soleil pendant la totalité. Dans les semaines précédant la date de l’éclipse, des expéditions ont été organisées en différents lieux répartis le long de la bande entre l’Idaho et la baie d’Hudson. Les astronomes européens ont eu les mêmes difficultés à cause de la guerre, même si le Soleil était plus haut dans le ciel, la durée de la totalité plus longue et les conditions météorologiques généralement meilleures.
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Groupe de l’Observatoire Yerkes à proximité de Pine River (Manitoba, Canada):
William A. Hiltner et Subrahmanyan Chandrasekhar de l’Observatoire Yerkes à Chicago ont décidé en mai 1945 d’effectuer une expédition dans le Manitoba pour observer l’éclipse totale de Soleil du 9 juillet 1945.
Du fait de la très courte durée de la totalité, 37 secondes à Pine River, il apparut aux organisateurs, que pour la qualité des observations, qu’il fallait photographier la couronne solaire dans toute son extension mais aussi avec ses structures basses. Deux instruments ont été transportés: un télescope UV de 6 pouces (15 centimètres) et une lunette doublet de 4 pouces (10 centimètres), corrigée pour le vert et le bleu, avec une focale de 20 pieds (6 mètres). Après quelques explorations le site d’observation choisi se trouva sur une petite crête offrant une vue dégagée du ciel vers l’est, à quelques cinq miles (8 kilomètres) au sud-est de Pine River, c’est à dire environ 0,7 miles (1.100 mètres) au sud de la ligne centrale.
Lieu d’observation au sud-est de Pine River, Manitoba, au Canada
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Le 9 juillet matin le ciel était couvert vers l’est, mais le déplacement des nuages offra une éclaircie de ciel bleu quelques trente-cinq minutes avant la totalité. Le ciel fut à nouveau complètement couvert une demi-heure plus tard. L’instant du second contact se produisit au moment prévu à une fraction de seconde près, ce qui n’est pas surprenant de nos jours si l’on regarde le profil du limbe lunaire.
Profil du limbe lunaire depuis le lieu d’observation au sud-est de Pine River au Canada
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Instruments sur le lieu d’observation au sud-est de Pine River au Canada
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Chandrasekhar Subrahmanyan devant les instruments
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Alors que ces photographies ressemblent à tout point de vue aux précédentes prises durant un minimum du cycle d’activité solaire, elles révèlent, comme prévu, une couronne de type équatorial, mais il apparait que les filaments dans le plan équatorial sont peut être plus développés que sur les photographies plus anciennes. Il peut être important de signaler qu’il y avait une activité aurorale exceptionnelle dans les jours précédant et suivant la date de l’éclipse.
Couronne solaire depuis le lieu d’observation au sud-est de Pine River au Canada
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Groupe de Princeton à proximité de Malta (Montana, Etats-Unis d’Amérique):
Le «Groupe Princeton» (environ 65 personnes) ainsi que 46 groupes de volontaires (environ 220 personnes) étaient positionnés de l’Oregon (Etats-Unis) au Saskatchewan (Canada).
Des photographies couleur de la couronne solaire ont été réalisées avec succès par les Freeman, deux films animés montrant la basse couronne durant toute la totalité ainsi que l’éloignement de l’ombre de la Lune à 3,5 miles (5,6 kilomètres) par seconde après le troisième contact à travers des nuages épars. Depuis Saco, le départ de l’ombre était aussi visible sur une photographie couleur réalisée par le groupe de l’Université de l’état du Montana. La procédure suivie afin de sécuriser un nombre important d’observateurs volontaires lors de cette éclipse a été un grand succès. Un questionnaire ronéotypé appelant à effectuer certaines observations a été largement distribué à l’avance, notamment grâce à la coopération du service des Eaux et Forêts.
Lieu d’observation au sud-est de Malta, Montana, aux Etats-Unis
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A l’approche du second contact, le Soleil s’est elevé pour se positionner au centre de l’une de ces miraculeuses petites trouées qui permettent occasionellement aux chasseurs d’éclipse de pouvoir observer, et a brillé dans un ciel bleu profond de 6h08 jusqu’au début de la totalité. Il n’y avait aucun cirrus ou autre nuage plus élevé mais les photographies montrent des nuages épars à proximité du Soleil pendant la totalité, et le Soleil disparut dans un banc d’altocumuli à 6h19. Personne dans le groupe ne vit de grains de Baily, de protubérances ou d’ombres volantes. La durée mesurée était identique à une fraction de seconde près à celle prévue, ce qui n’est pas surprenant de nos jours si l’on regarde le profil du limbe lunaire. Sur la photographie de plus longue exposition, à environ 4 diamètres solaires en haut et à gauche, on peut apercevoir Saturne qui brille au milieu des nuages éparse vers lesquels le Soleil se dirigeait lorsque l’éclipse se terminait. La couverture nuageuse signalée par les observateurs aériens se situait à environ 11.000 pieds (3.350 mètres). Vénus était la seule planète ou étoile à être observée depuis Malta, en étant visible avant et après la totalité.
Profil du limbe lunaire depuis le lieu d’observation au sud-est de Malta, Montana, aux Etats-Unis
Les diamètres apparents du Soleil et de la Lune étant très proches il n’est pas surprenant que les observateurs aient pu voir la chromosphère tout autour du limbe lunaire: voici ce que l’on peut lire dans le quotidien Baltimore News-Post de l’époque "Observers on an East Mountain lookout near Cascade, Idaho, were treated to a brillant display as the sun rose obliterated by the moon except for a fiery red corona, or ring, circling the moon’s edges. The outer corona was white.".
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Groupe Bulletin de Philadelphie - Institut Franklin - Université de Pennsylvanie à Wolseley (Saskatchewan, Canada):
La plannification de l’expédition débuta au mois d’octobre 1944.
La plupart des instruments ont été prêtés par les observatoires Flower et Cook de l’Université de Pennsylvanie.
Lieu d’observation depuis l’école de Wolseley, Saskatchewan, au Canada
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La durée calculée de la totalité était de 34 secondes, celle mesurée de 33 secondes, c’est à dire à une fraction de seconde près, ce qui n’est pas surprenant de nos jours si l’on regarde le profil du limbe lunaire.
Profil du limbe lunaire depuis le lieu d’observation situé à l’école de Wolseley, Saskatchewan, au Canada
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Le programme des observations était comme suit: des photographies en lumière visible de la couronne externe avec un objectif de 18 pieds (5,5 mètres) de focale; des photographies en lumière visible de la couronne basse avec un objectif de 40 pieds (12 mètres) de focale; des photographies de la couronne externe en lumières rouge (6,500Å) et verte (5,300Å) avec des caméras rapides de 28 pouces (710 millimètres) de focale; une série de photographies prises à intervale régulier du premier au quatrième contact. La caméra utilisée pour le film devait travailler avec un petit coelostat, mais malheureusement la caméra n’arriva pas à temps.
A l’aube, le ciel était clair, à l’exception d’une petite bande nuageuse étroite le long de l’horizon de l’est au nord et jusqu’à l’ouest. Le Soleil se leva sur un horizon dégagé, traversa la bande nuageuse et poursuivit sa chevauchée bien au-dessus dans un ciel magnifique pendant la totalité. Les conditions météorologiques ne pouvaient pas être meilleures à Wolseley, particulièrement par rapport à celles ayant prévalu à Bredenbury et à Roblin, plus en aval le long de la bande, où de nombreuses expéditions se trouvaient.
Couronne solaire depuis le lieu d’observation de Wolseley au Canada
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Groupe Observatoire de Stockholm - Observatoire de Paris-Meudon à Brattås (Suède):
En temps normal de nombreuses missions astronomiques en Scandinavie auraient eu lieu. Cependant en cette période encore troublée, ces missions se réduisaient à celles des divers observatoires suédois, à une mission danoise et à une mission française à laquelle Bernard Lyot, l’inventeur du coronagraphe dans les années 30, participait. Lyot avait aussi amené une lunette polarimétrique.
Il faut toutefois signaler encore un petit groupe norvégien en Norvège, et un certain nombre de missions soviétiques en URSS. Cependant ces groupes ont visiblement eu un temps couvert le jour de l’éclipse.
En dehors de la bande de totalité, les scientifiques ont aussi étudié l’ionosphère à Tromsø, en Norvège, seulement deux mois après la libération, et ont saisi l’occasion de mesurer les effets de l’éclipse sur l’ionosphère. Leurs résultats ont montré une chute prononcée dans la fréquence critique pendant l’éclipse. Fait intéressant, leur rapport a également noté que les Allemands avaient une station ionosphèrique à Kjeller, utilisée pour déterminer les fréquences des communications radio après guerre. Lorsque la station a été prise par les forces alliées, le personnel allemand a reçu l’ordre de poursuivre son travail, et des observations ont aussi été réalisées depuis cette station.
Lieu d’observation depuis Brattås en Suède
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La durée mesurée de la totalité était visiblement de 63 secondes.
Profil du limbe lunaire depuis le lieu d’observation situé à Brattås en Suède
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Toutes les observations furent accomplies dans de bonnes conditions. Clichés, spectres et films montrèrent, après développement, des images à l’aspect encourageant.
Couronne solaire depuis le lieu d’observation à Brattås en Suède
Bernard Lyot et sa lunette polarimétrique à Brattås en Suède
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